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    Lundi 10:           

    Matin, réunion d’informations. Après-midi, rendez-vous.<o:p></o:p>

     

              La page d’accueil de la faculté de lettres est claire « présence obligatoire ». En même temps je suis sur à 99% qu’ils ne s’amuseront pas à vérifier sur des listes les étudiants présents. Il s’agit d’une réunion d’informations générales, jusqu’au dernier moment j’hésite à m’y rendre.<o:p></o:p>

                La foule de jeunes étudiants est là, impassible et éparse. Je ne me rappelais plus à quel point il est difficile de se joindre à un groupe dans lequel on n’a pas sa place. Je pense à mes cheveux blancs et mes ridules qui doivent trahir mon âge. J’évite de croiser le moindre regard dans lequel je risquerais d’y lire de l’interrogation, de la stupéfaction ou pire, de la moquerie. Je joue mon propre ange gardien  en me réconfortant par des paroles mentales : « les autres n’ont que faire de moi, je n’existe pas, reste concentré sur ton but. » Je me love vers la machine à café de la porte d’entrée de l’amphithéâtre. Je suis bercé par le dialogue de deux jeunes filles qui me tournent le dos, je me pose mille questions.<o:p></o:p>

                Les étudiants de l’avant dernière fournée (des lettres K à Pi) sortent enfin. Je suis les deux filles qui me tournent toujours le dos. Elles s’introduisent par la deuxième porte. Je m’installe dans les rangs du haut sur la droite à deux places de l’allée. Je m’installais à peu près au même endroit de l’amphi de droit il y a bien longtemps déjà. Ça doit être génétique ou fortement culturel, en tout cas c’est singulier cette force qui vous pousse à vous positionner à peu près de la même façon face à un événement commun, en l’espèce face à l’autorité que représente le doyen, M Philippe Genabout, en train d’écouter trois étudiants de la fournée d’avant. La salle n’est qu’au tiers remplie, mais comme le veut la mécanique des fluides, les étudiants, telle une masse visqueuse, finissent par occuper tout l’espace.<o:p></o:p>

                Le doyen introduit un tuteur portant un t-shirt rouge sur lequel se détache « tuteur » en blanc. Il nous parle quelques minutes de son rôle et de l’importance pour nous, jeunesse ignorante, de les solliciter pour toutes les questions que l’on se pose. Ensuite le doyen fait un long discours sur l’esprit de la faculté, le travail personnel, les sirènes de la liberté dont il faut se méfier. L’homme a beaucoup d’esprit et d’aisance, c’est plaisant de l’écouter. Je note une de ses phrases sur mon carnet : « étudier à l’université c’est apprendre à devenir libre dans sa tête. »<o:p></o:p>

                Peu avant midi le doyen nous libère. Personne ne va à sa rencontre, j’en profite. L’amphi se vide assez vite, aussi lorsque je m’adresse à lui nous ne sommes plus que les deux dans l’immense salle. Je me présente un peu maladroitement et expose mon cas tout aussi sottement. A mesure que je parle je me rends compte qu’au fond je ne sais pas vraiment quoi lui dire. Je bafouille un peu, mon débit vocal monte en flèche, j’arrive à lui parler rapidement de mon passé, de ma volonté et du problème actuel quant à la validation de mes études pour pouvoir commencer en deuxième année. Il m’écoute, me sors des petites phrases bienveillantes et un peu passe-partout. Lui aussi m’assure qu’en principe mon entrée en deuxième année ne devrait pas poser de souci, il conclut en me disant de me rendre à mon rendez-vous de 14h30 cet après-midi avec Madame Gearlez, responsable de la validation des acquis au CROUS qui m’a rappelé la semaine dernière alors que je batifolais avec Léa sur le sable tiède des plages de Quiberon. Le doyen à l’air un peu pressé, comme s’il avait un rendez-vous amoureux ou qu’il avait très faim. Je lui colle aux basques jusqu’en dehors de l’amphi et conclue un peu maladroitement en lui passant le bonjour d’une ancienne camarade de classe, Annette Bourlot, ma nouvelle voisine du troisième depuis deux mois et qui m’a conseillé de faire valider mes années de fac antérieures. Le doyen me retourne le bonjour et me demande ce qu’elle devient, je lui dis qu’elle travaille au CROUS (ou qu’elle a travaillé mais je ne suis plus certain). Un dernier mot sur ma motivation de fer, il termine par ses mots « par rapport aux autres étudiants vous n’êtes plus dans l’angélisme ». On se sépare à l’entrée de la faculté, il y a plein de tuteurs autour de moi qui répondent à des questions d’étudiants. Je choisis de ne pas rester, à peu près convaincu que ça ne servirait à rien.<o:p></o:p>

                Mon rendez-vous de l’après midi se passe sans ambages. Je comprends la démarche. La commission de mardi dernier n’a pas eu une idée suffisamment claire de mon projet, et à les imaginer se pencher sur mes nombreux relevés de notes de deuxième année et se demander pourquoi j’ai redoublé autant, au fond je les comprends. Madame Gearlez m’écoute attentivement et me dis qu’elle est la pour me représenter et défendre ma position, c’est pour ça qu’il est important que l’on se voit ce jour. Je m’en tire quand même avec un nouveau dossier à remplir au plus vite afin que mon cas repasse en commission (extraordinaire sans doute à cette date) et m'engage à prévenir M Martin dés que possible afin de l’informer d’une part qu’il serait préférable que je m’inscrive en première année sans attendre et que d’autre part, après avis positif de la commission, il n’y aurait qu’à effectuer mon basculement en deuxième année.

     

     

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    Jeudi 20

     

     Reprise des cours…pours les autres !

     

                 Le temps passe vite, on ne le répètera jamais assez. Mais 24 heures dans une journée c’est vraiment juste. En ce moment je fais des journées de 10 heures. Je sais que les étudiants de la fac ont repris les cours cette semaine. J’ai terminé mes nuits lundi matin. Mardi et mercredi j’ai envoyé mes CV aux différents hôpitaux et maisons de soins du coin. J’ai repris le travail jeudi matin à 8 heures. Un collègue m’a raconté qu’il avait vu une annonce il y a une semaine pour les péages d’autoroute. Nouvelle piste pour moi.

     

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                Internet c’est formidable, j’achète en ligne des cd, des jeux et des livres. Ce week-end j’ai écumé les pages de vente en ligne de livres de sociologie, j’en ai trouvé trois pour commencer, un de la collection « que sais-je ? ». Un autre sur les grands auteurs de la sociologie ainsi qu'un dictionnaire spécifique.

     

                Mon bureau est un capharnaüm monstrueux, ce soir je tâcherai d’éliminer quelques piles qui s’amoncellent depuis un moment.<o:p></o:p>

                J’ai réussi à joindre Madame Gearlez cette après-midi, elle m’a appris que mon dossier de validation des acquis allait passer en commission lundi prochain. J’ai raccroché avec un petit pincement au cœur, j’espère que cela sera bon pour moi.

     

    Lundi 24

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    La commission se prononce sur mon cas, enfin pas exactement.

      

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                J’appelle Mme Gearlez comme convenu en début d’après-midi, je tombe sur elle après deux tentatives. Je ne sais toujours pas si je suis en deuxième année ou si je reste en première. Il faut encore qu’ils réfléchissent. Je ne la sens pas très à l’aise. Mon cas n’est pas tranché. Elle me dit que mon dossier à été repris par M Martin et que la décision finale revient je crois à l’enseignant responsable de la licence de sociologie. Elle me conseille de contacter M Martin et aussi par la même occasion l’enseignant responsable. Je suis un peu décontenancé, je ne sais même plus quoi dire au bout du fil. Qu’est-ce qui pose problème dans ma démarche ? Pourquoi est-ce si long à trancher ?

     

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            Il faut que je me déshabitue à m’imaginer en deuxième année. Ça demande le week-end. Mme Gearlez conclue assez maladroitement par un fade "vous me tenez au courant". En gros démmerdez-vous. Je prends note.

      

    Vendredi 26<o:p></o:p>

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    Première année ? Deuxième année ? Rien de neuf.

     

           Cette semaine c’était impossible pour moi de me rendre à la faculté. Je commençais mes journées de travail au plus tard à 8h et finissais au plus tôt à 18h.<o:p></o:p>

    Toute la semaine prochaine je travaille de nuit. J’aurai du temps pour rencontrer M Martin et peut-être aussi l’enseignant responsable. J’assisterai à mes premiers cours et entrerai en contact assez vite avec un étudiant (mais plutôt une étudiante-elles sont souvent plus sérieuses) afin de rattraper mon retard. Je me renseignerai aussi à propos des travaux dirigés qui devraient commencer en octobre.

    Pour ce qui est de la réponse finale de la commission, j’en ai presque plus rien à faire. Si on m’autorise à entrer en deuxième année, je gagnerai un an. Dans l’autre cas, je conclurai qu’ils ont décidés de me placer sur le même pied d’égalité qu’un type qui voudrait reprendre des études en n’ayant jamais rien fait de sa vie, et trouverai cela grotesque. Mais au final ça ne changera rien pour moi à longue échéance. A moins qu’on me tire une balle en pleine tête, y’a rien pour l’instant qui peut m’arrêter. Je suis impatient de commencer sérieusement les choses. C’est tout. Si dans un mois je n’ai pas trouvé de job correct de nuit, je partirai sur de l’intérim, ça ne fait rien. J’ai déjà connu, j’ai toujours résisté. Et là ce sera un départ et non une fin.<o:p></o:p>

    Côté vie personnelle, ni moi ni ma femme n’avons fait de gaffe à ce jour. Pour nos deux familles je pars sur un travail de nuit pour avoir mes journées de libre. Ah bon et pourquoi faire ?? Aux plus curieux je mets en avant mon expérience d’ambulancier et mon désir d’en faire un livre (à ce jour j’ai 100 pages Word de rédigées, je sais qu’il y a matière à utiliser). Pour l’instant tout le monde accepte l'idée. Avec ma femme on échange des regards complices parfois, c’est assez jubilatoire. Ne t’inquiètes pas ma chérie, je suis bien décidé à y arriver.<script type="text/javascript"> var gaJsHost = (("https:" == document.location.protocol) ? "https://ssl." : "http://www."); document.write(unescape("%3Cscript src='" + gaJsHost + "google-analytics.com/ga.js' type='text/javascript'%3E%3C/script%3E")); </script> <script type="text/javascript"> try { var pageTracker = _gat._getTracker("UA-15005578-1"); pageTracker._trackPageview(); } catch(err) {}</script>


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